
Quand le bruit devient un trouble anormal de voisinage :
comprendre vos droits et agir efficacement
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Les nuisances sonores constituent l'une des principales sources de conflits entre voisins. Qu'il s'agisse d'aboiements incessants, de musique trop forte ou d'équipements bruyants, ces désagréments peuvent sérieusement affecter votre qualité de vie. Mais quand le bruit devient-il juridiquement un "trouble anormal de voisinage" et quelles sont les démarches à entreprendre pour y mettre fin ? Cet article vous guide pas à pas dans la compréhension et la résolution de ce type de litiges.
Qu'est-ce qu'un trouble anormal de voisinage lié au bruit ?
Les troubles de voisinage désignent des nuisances ou gênes anormales causées par un voisin. Pour être qualifié d'anormal, le bruit doit dépasser les inconvénients ordinaires de la vie en collectivité.
Sources possibles des nuisances sonores
Ces bruits peuvent être causés par :
- Une personne : cris, talons, chants, fêtes...
- Un objet : instruments de musique, équipement audiovisuel, outils de bricolage ou de jardinage, pompe à chaleur, appareils électroménagers...
- Un animal : aboiements, cris...
Les critères d'appréciation du caractère anormal
Trois critères principaux sont pris en compte par les tribunaux pour déterminer si un bruit constitue un trouble anormal :
- L'intensité : la gravité du trouble causé
- La durée et la répétition : une nuisance ponctuelle est généralement moins considérée comme un trouble qu'une gêne récurrente
- Le contexte local : zone urbaine ou rurale, quartier résidentiel ou zone d'activité
Contrairement aux idées reçues, un trouble sonore peut être sanctionné à toute heure de la journée, bien que l'on distingue habituellement les bruits diurnes (7h-22h) et les bruits nocturnes (22h-7h).
À noter que pour les bruits nocturnes, le simple fait que l'auteur ait conscience du trouble et ne prenne pas les mesures nécessaires pour y remédier peut suffire à qualifier le tapage, sans qu'il soit nécessaire de prouver son caractère répétitif ou intensif.
Les démarches pour faire cesser un trouble sonore
Face à des nuisances sonores, une approche progressive est recommandée :
1. La recherche d'une solution amiable
- Dialoguer directement avec l'auteur des nuisances pour lui faire part de votre gêne
- Envoyer un courrier simple rappelant l'origine du trouble, la gêne occasionnée et la nécessité d'y mettre fin
- Si nécessaire, adresser une lettre recommandée avec accusé de réception mettant en demeure de faire cesser les nuisances
2. L'intervention de tiers
Si la communication directe échoue :
- En copropriété : vérifier le règlement de copropriété et alerter le syndic des infractions constatées
- Consulter les réglementations locales : certains arrêtés municipaux ou préfectoraux encadrent les nuisances sonores
- Recourir à un conciliateur de justice (démarche gratuite) ou à un médiateur (démarche payante)
3. La constitution de preuves
Pour faire valoir vos droits, il est essentiel de réunir des preuves du trouble :
- Le constat de commissaire de justice : c'est une preuve solide qui bénéficie d'une force probante particulière. Le commissaire de justice peut mesurer l'intensité du bruit, constater sa répétition et sa durée.
- Les témoignages écrits de personnes ayant constaté les nuisances
- Les échanges de courriers avec l'auteur des troubles
- Les certificats médicaux si votre état de santé s'est dégradé en raison des nuisances
- Les dépôts de main courante ou plaintes auprès des services de police ou de gendarmerie
Attention : toute preuve doit être recueillie loyalement. Par exemple, il est interdit de photographier ou filmer votre voisin à son insu dans son domicile.
4. L'action en justice
Si toutes les démarches précédentes ont échoué, une action en justice peut être envisagée. Notez qu'une tentative de résolution amiable (conciliation, médiation) est désormais obligatoire avant toute saisine du tribunal.
Vous pourrez alors demander au juge :
- La cessation des nuisances, éventuellement sous astreinte
- L'indemnisation du préjudice subi (matériel et moral)
- Dans certains cas, la résiliation du bail du locataire à l'origine des troubles
Quelle juridiction saisir ?
- Pour une action en référé ou un litige dont le montant est indéterminé ou supérieur à 10 000 € : le tribunal judiciaire (avec avocat obligatoire)
- Pour un litige inférieur ou égal à 10 000 € : la chambre de proximité (avocat non obligatoire)
- Pour une action en résiliation de bail : le juge des contentieux de la protection
Les cas particuliers des activités professionnelles
La législation prévoit des règles spécifiques pour les bruits liés aux activités professionnelles :
1. Activités industrielles, artisanales ou commerciales
L'émergence du bruit ne doit pas être supérieure à 5 dB(A) en journée et 3 dB(A) la nuit.
2. Activités de sports et de loisirs
La même réglementation que pour les activités industrielles s'applique.
3. Activités impliquant la diffusion de son amplifié
Les discothèques, festivals, bars et restaurants sont soumis à une réglementation spécifique (décret n° 2017-1244 du 7 août 2017).
Il est important de noter que si l'activité bruyante existait avant votre installation dans le voisinage, vous ne pourrez généralement pas obtenir réparation.
Exemples de jurisprudences
La qualification de trouble anormal dépend souvent du contexte. Ainsi, la jurisprudence a pu considérer :
- Qu'un coq chantant dans un village rural ne constitue pas un trouble anormal (CA Riom, 7 sept. 1995)
- Que l'augmentation significative des niveaux sonores dans un appartement liée à l'activité d'un restaurant situé en dessous constitue un trouble excessif (CA Paris, 15 janv. 1993)
- Que le bruit généré par un système de chauffage-climatisation d'un restaurant peut excéder ce que l'on peut normalement attendre d'un voisin diligent (CA Lyon, 2 mars 2010)
Conclusion
Face à des nuisances sonores qui affectent votre qualité de vie, il est important d'agir de manière méthodique et documentée. Privilégiez toujours la recherche d'une solution amiable dans un premier temps, mais n'hésitez pas à faire valoir vos droits si le trouble persiste.
N'oubliez pas que le droit au calme et à la tranquillité est fondamental et mérite d'être défendu lorsqu'il est excessivement perturbé par des comportements ou des installations inappropriés.
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