Divorce pour faute en droit français : comprendre, prouver, agir

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1. Définition et cadre légal
Le divorce pour faute est régi principalement par l’article 242 du Code civil, lequel dispose :
« Le divorce peut être demandé par l’un des époux lorsque des faits constitutifs d’une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commune. »
Les principales obligations du mariage issues des articles 212 et suivants du Code civil sont : la fidélité, la communauté de vie, le respect, l’assistance, le secours, et la contribution aux charges du mariage
.Pour que la faute soit retenue, deux conditions cumulatives sont exigées :

  • Une violation grave ou répétée des obligations matrimoniales, imputable à l’époux(e) concerné(e) ;
  • Le maintien de la vie commune doit être rendu intolérable
2. Exemples classiques de fautes admises par la jurisprudence
  • Adultère : l’infidélité, reconnue comme une violation du devoir de fidélité, peut donner lieu à un divorce pour faute lorsque l’intolérabilité du maintien de la vie commune est prouvée (Cass. Civ. 1ère, 17 décembre 2015). Toutefois, l’adultère n’est plus une cause automatique de divorce depuis 1965 : c’est le juge qui apprécie la gravité au cas par cas. Les relations postérieures à l’ordonnance de non-conciliation sont, depuis une jurisprudence récurrente, peu sanctionnées
  • Abandon du domicile conjugal : le départ injustifié de l’un des époux est constitutif d’un manquement au devoir de cohabitation, sauf motif légitime, notamment en cas de violence Le désintérêt pour la vie de famille (Civ. 2e, 8 nov. 1995, n° 94-10.685) est aussi une faute.
  • Manquement à la contribution aux charges du mariage : refuser de participer financièrement à la vie du foyer, par exemple en conservant tout son salaire pour soi, a été jugé comme une faute caractérisée (Cass. Civ. 1ère, 10 février 2011 .tout comme dilapider le patrimoine familial .
  • Violences physiques ou verbales : coups, insultes, humiliations ou menaces caractérisent un manquement au devoir de respect et justifient le divorce pour faute (même un acte unique de violence peut suffire) .Les violences commises sur les enfants du couple ou de l’un des époux sont constitutives d’une faute. Le harcèlement est aussi une violence  
  • Manquement au devoir d’assistance : le fait, par exemple, de ne pas soutenir son époux(se) ou ses enfants lors d’une maladie ou d’une difficulté grave est sanctionné, illustré notamment par un arrêt de la cour d’appel de Metz, 17 avril 2007 (non soutien par un époux envers son épouse face à leur fille).
  • Dépendance nocive (alcoolisme, addiction) : la Cour de cassation considère que l’alcoolisme constituant un obstacle à la vie familiale et source de danger peut justifier le prononcé du divorce pour faute. La pratique religieuse excessive peut être admise comme une faute .
  • Une conduite déshonorante une condamnation pénale rendue publique

 3.Limites posées par la jurisprudence
Certains comportements doivent être analysés au regard du contexte et des usages du couple (notamment la liberté sexuelle, la tolérance entre époux, etc.). La Cour européenne des droits de l’Homme a récemment condamné la France par un arrêt du 23 janvier 2025 (W. c. France, n° 13805/21) pour avoir prononcé un divorce aux torts en raison du refus d’un devoir conjugal, rappelant la prééminence du respect du consentement sexuel.

4. La preuve de la faute
La preuve de la faute peut être rapportée par tous moyens licites (article 259 du Code civil) : attestations, constats, correspondances, SMS, emails, décision de justice, etc. Les juges restent particulièrement vigilants sur le respect de la vie privée et n’acceptent pas les preuves obtenues de façon déloyale ou frauduleuse. L’utilisation d’un détective privé ou de constat d’huissier est fréquente, sous réserve de la licéité du procédé.

5. Les conséquences du divorce pour faute
Si le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l’un des époux :
  • Le juge peut refuser toute prestation compensatoire à l’époux fautif, même en cas de disparité économique
  • L’époux victime peut solliciter des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi en vertu de l’article 266 du Code civil
  • Les conséquences parentales et patrimoniales sont fixées comme lors des autres types de divorce.

En cas de fautes réciproques, le divorce sera prononcé aux torts partagés.
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Synthèse
Divorcer pour faute est une procédure exigeante, souvent longue, qui suppose la réunion d’un faisceau de preuves et une analyse au cas par cas par le juge. Il s’agit d’une démarche à forte portée symbolique, parfois inévitable, mais dont la conflictualité incite à étudier si un divorce plus apaisé (par consentement mutuel ou acceptation du principe de la rupture) n’est pas préférable, lorsque cela est possible.
Pour toute situation complexe, le recours à un avocat demeure fortement conseillé.

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